Honte & Culpabilité

Les connexions entre la honte et la culpabilité sont nombreuses et complexes. Leur étude détaillée dépasserait de beaucoup le cadre d’un article aussi bref. Je me contenterai ici donc de résumer de manière simple et directe la dynamique qui se joue entre les deux émotions.

Tout commence avec la honte. Cette émotion destructrice nous empêche de nous accomplir et nous maintient dans la frustration. La culpabilité intervient dans un second temps pour justifier nos souffrances et nos difficultés. En validant notre indignité à nos propres yeux, elle nous décourage d’entreprendre les démarches nécessaires à la résolution de nos problèmes. L’épisode suivant nous montre cette double mécanique à l’oeuvre.

Le cas de Pascal

A 18 ans, Pascal est en première année de droit. Comme tous les garçons de son âge, il s’intéresse énormément aux filles. Il n’est cependant pas très à l’aise avec elles. Doutant sans cesse de sa propre valeur, il ne parvient pas à capter leur attention.

L’alcool le désinhibe et lui confère une illusion de courage. Dès qu’il sort en boîte, Pascal en abuse. Cela le rend agressif. Il n’est alors pas rare qu’il provoque des bagarres. Redevenu sobre, le jeune homme se sent coupable et se promet de ne plus récidiver.

Un soir, Pascal se bat avec deux autres garçons. Les choses tournent tellement mal qu’il se fait expulser par les videurs. Le lendemain, il est au fond du trou. Il s’interroge sur son comportement. Pourquoi agit-il de la sorte? Aucun autre de ses amis ne commet ce genre d’excès. Pascal se fait peur. Il se dit qu’il est bizarre, peut-être même un peu fou.

La culpabilité liée à son comportement est maintenant dirigée vers son être même. Elle se transforme en honte.

C’est un cercle infernal. Pascal s’enivre pour oublier la honte de se savoir si piètre séducteur. Ce faisant il en arrive à se comporter d’une manière tellement stupide qui est incapable d’en assumer les conséquences. La culpabilité qu’il en ressent vient encore justifier et approfondir sa honte.

Cette petite histoire nous donne à voir les ravages susceptibles d’être occasionnés par un cocktail d’émotions aussi explosives que la honte et la culpabilité. En voici une autre tout aussi édifiante.

Le cas de Benoît

Bien que sa scolarité n’ait pas été brillante, Benoît s’affirme être l’une des meilleures recrues de son entreprise. Un an après son arrivée, on lui offre l’opportunité de devenir chef de service. Le sentiment d’infériorité qui lui reste chevillé au corps le pousse aussitôt à se saboter. Inconsciemment, Benoît met tout en oeuvre pour faire échouer cet avancement . S’il accédait à ce poste, il serait en effet beaucoup plus exposé aux regards des autres. Il risquerait alors à tout moment de voir son indignité exposée au grand jour. 

Pour relâcher sa tension, Benoît se drogue. Cocaïne, ecstasy, LSD… Tout y passe. Chacun de ces écarts s’accompagne d’un terrible sentiment de culpabilité.

Tout comme la honte, la culpabilité peut constituer un frein puissant à notre épanouissement. Les personnes minées par une forte culpabilité auront tendance à refuser tout poste à responsabilités. L’exercice du pouvoir implique en effet de prendre des décisions difficiles et culpabilisantes. Un chef d’entreprise peut, par exemple, être contraint de licencier des salariés. Ceux dont la culpabilité est déjà exacerbée ne voudront pas s’imposer cette charge supplémentaire.

Soumis au double impact de la honte et de la culpabilité, Benoît finira par refuser la promotion qui lui est offerte.

Jean-Christophe Vidal

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