Ces dernières années ont vu les neurosciences révolutionner notre compréhension du cerveau humain. Leurs découvertes enrichissent considérablement la pratique du coaching. Professeur de neurologie, de neurosciences et de psychologie, Antonio Damasio approfondit notre compréhension des mécanismes cognitifs à l’origine de l’émotion. Le Professeur Damasio expose sa théorie sur les liens entre pensée et émotions dans son ouvrage de référence : Spinoza avait raison. Je vous résume ici l’essentiel de sa pensée.

« Nos émotions ne naissent pas de choses mais du jugement que nous portons sur les choses ». Cette affirmation du philosophe Epictète est aujourd’hui confirmée par les  recherches les plus récentes des neurosciences. Ainsi que le prouvent les travaux du Professeur Damasio une émotion est toujours le produit d’une pensée qualifiante. Autrement dit, d’un jugement. Cette qualification n’est pas nécessairement consciente. Elle peut être provoquée par un souvenir enfoui dans l’inconscient comme dans le fameux épisode de la madeleine de Proust.

Cette « pensée stimulus » est nécessairement le fruit de notre environnement social et culturel. Comme nous ne partageons pas tous les mêmes opinions, une situation identique fera lever chez chacun des émotions différentes. Elle réjouira l’un, attristera l’autre et en agacera un troisième.

L’effet de cette « pensée stimulus » est loin d’être anodin. Elle provoque dans le cerveau une chaîne de réactions neurales et chimiques qui se répercute ensuite dans l’ensemble du corps dont elle bouleverse l’équilibre physiologique et nerveux. Les effets de ces perturbations se manifestent sous la forme de sensations physiques : visage crispé, voix altérée, ventre noué, jambes molles…

Etant en contact constant avec le cerveau, le corps informe celui-ci de l’existence de ces changements. Le cerveau commence alors à établir des cartes neurales de nos ressentis corporels. A ce stade, nos sensations sont à nouveau transformées en pensées. Damasio parle alors de « pensée sentiment ».

C’est cette « pensée sentiment » qui nous permet de prendre conscience de nos émotions. Voilà pourquoi nous disons que nous nous « sentons » triste et non que nous nous « pensons » triste.

La « pensée sentiment » altère le cours de nos réflexions. Elle nous impose une certaine ligne de pensée. La tristesse nous remettra par exemple en mémoire des événements douloureux propres à la justifier et à l’approfondir… Ces « idées » noires se transformeront à leur tour en « pensées stimulus » ce qui aura pour conséquence d’amplifier encore l’émotion. Nous sommes alors entraînés dans un cercle infernal dont nous aurons toutes les peines à sortir. Un surplus de pensées génère un surplus d’émotions qui font lever encore davantage de pensées liées à l’émotion… Et ainsi de suite jusqu’à ce qu’une pensée différente nous permette enfin de « changer de disque ».

Les neurosciences entérinent ainsi l’existence du cercle vicieux « pensées-émotions » découvert par la sagesse antique et les traditions orientales. Elles valident également l’idée selon laquelle l’émotion est le marqueur d’un jugement, d’une opinion ou d’une croyance non verbalisé. Elles confirment enfin que l’attention portée au ressenti conscient de l’émotion (« pensée sentiment ») facilite l’accès au non-dit qui l’a déclenché (« pensée stimulus »). Pour sortir de l’engrenage sans fin des pensées et des émotions, il faut donc mener de front un travail de ressenti physique de l’émotion et un effort de verbalisation des non-dits.

Jean-Christophe Vidal

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